Vous aimez manger de la qualité, ou faire du sport, ça tombe bien, car aujourd’hui je parle musculation et nutrition avec un ancien obèse, il s’agit de Joël Pereira Chef Pâtissier, Confiseur, passionné, artiste, entrepreneur, pratiquant de musculation, et soucieux de la nutrition.
Joël a fait appelle à moi l’an passé pour des conseils en musculation et est depuis membre du forum de laMethodeStreet.fr. Il ne vous est donc peut-être pas inconnu.
Il est passionné de nutrition et touche au travers son métier à tout un tas d’aliments et d’ingrédients avec lesquels il a un contact très particulier. En effet, il est un de ses aficionados chasseur de produits bruts de qualités. Il travaille également avec des additifs qui pour certains sont indispensables aux préparations pâtissières, je vais donc creuser pour en savoir plus à ce sujet.
En tant qu’ancien obèse il a une approche toute particulière avec la musculation et bien entendu avec l’alimentation. Un intérêt qui se traduit notamment de part la qualité des ingrédients qu’il utilise pour ses réalisations (notamment pour les sucres et les additifs industriels), mais aussi pour sa propre alimentation au quotidien.
Dans cette interview nous évoquerons des sujets tel que l’obésité, la perte de poids grâce à la musculation, l’utilisation et la qualité des sucres et différents additifs en pâtisserie, son rapport avec les aliments, la qualité des aliments et l’industrie agro-alimentaire en général.
Sommaire de l'article :
J’INTERVIEWE JOËL ANCIEN OBÈSE CHEF PÂTISSIER ET SPORTIF
Peux-tu te présenter à toute la communauté, quel âge as-tu, et que fais-tu dans la vie ?
Salut à tous, je m’appelle Joël, j’ai 35 ans et j’ai le plaisir d’exercer la profession d’artisan pâtissier chocolatier à Valençay, commune de l’Indre de 2100 habitants. Je co-dirige avec mon époux Castel Praliné, un établissement qui propose une gamme de pâtisseries traditionnelles et modernes, des biscuit secs, gâteaux de voyages, tartes, macarons, viennoiseries, une baguette tradition, des bonbons de chocolats, tablettes de chocolats, de la crème glacée, des sorbets, de la confiserie comme des guimauves ou pâte de fruits et du salé snacking et des spécialités locales comme le pâté berrichon ou la galette de pomme de terre. L’établissement est également équipé d’un salon de thé où l’on peut déguster en plus de ce qu’il y a en boutique, une boisson chaude ou froide.
Je suis plus particulièrement responsable de la production, je travaille avec deux ouvriers, un tout proche de la retraite et l’autre fraîchement sorti de formation, l’équipe compte également un apprenti. J’ai donc la responsabilité de cette équipe et de ce qu’elle produit, ainsi j’élabore moi-même les produits. Je propose aux clients des produits nouveaux chaque saison. Par exemple, chaque été je confectionne un nouveau fraisier. En 2018 il s’agissait d’un fraisier fraise pistache et rhubarbe et celui de 2019 fraise noisette. J’ai habitué mes clients à les surprendre mais j’estime qu’aujourd’hui un pâtissiers doit innover s’il veut convaincre les gens de venir chez lui. C’est ainsi également qu’a chaque noël les bûches sont différentes, à Pâques aussi les produits et les sujets évoluent.
Ce travail suit une certaine éthique et des valeurs chères à mon âme. Dés qu’il est possible, je travaille avec des produits et des entreprises locales comme le beurre, le lait ou le miel. Même le café est torréfie dans la région et le thé produit non loin près de Poitiers. Pour moi il est indispensable de respecter le travail de mes voisins si je veux à mon tour que mes clients et voisins fassent de même avec le mien. Aussi je mets un point honneur tout particulier à confectionner toutes mes douceurs à partir de produits bruts. C’est ainsi que mes huit pralinés sont réalisés avec, noisettes, noix, amandes, cajou, cacahuètes etc que je sélectionne et torréfie maison. La pâte d’amande n’est pas achetée toute faite, on la fait nous même ! Les guimauves sont faites sans arôme mais bien avec des fruits ! La crème d’amande n’a pas d’arôme artificiel etc… aucun produit n’y échappe, le goût est toujours naturel et le chimique est limité au strict mini minimum, j’explique plus loin pourquoi il n’a pas disparu.
Ces choix n’ont rien de rentables ni en temps ni en coûts. Il s’agit de la nature même de ma vocation. Si un jour je devais être contraint de renoncer à ces valeurs, je changerai de métier. J’ai voulu avoir mon établissement et je me suis installé en campagne au plus près des produits paysans c’est pour proposer de bons produits aux gens et rien d’autre !
Peux-tu nous parler de ton passé d’obèse ?
Je dois admettre qu’il m’a été long et difficile d’admettre la réalité et de mettre ce nom sur mon état. Les problèmes de poids ont bercés mon enfance, je ne me suis jamais connu une taille normale avant l’Age de 19 ans. A ma naissance j’étais déjà un petit gros et je le suis resté. Sur mon carnet de santé, on voit la courbe toujours bien au dessus de la référence. À l’âge de 11 ans je faisais déjà une taille 40 de pantalons alors que j’étais le plus petit des gars. Pour preuve j’étais toujours sur les places de devant sur les photos de classe. J’ai grandi avec l’idée que j’avais de bonnes cuisses pleines de muscles, que j’avais de gros os lourds et que j’avais une carrure large de nature; que d’excuses qui me déculpabilisaient et me dissimulaient une réalité bien désagréable.
Encore aujourd’hui j’ai du mal à expliquer les raisons de tous ces kilos de trop. Il s’agit forcement d’une adjonction de fautes. Des habitudes alimentaires dans une famille dont le plaisir à table était culturel, une névrose dû, entre autre, à ce surpoids qui me faisait compenser en cherchant plaisir et soulagement en mangeant plus et qui à son tour m’a fait grossir jusqu’à l’obésité.
Certes il y a ces explications mais je sais aujourd’hui que ce n’est pas tout. Je dis souvent que je suis une génération cantine. J’entends par là que mon apprentissage des goûts et des saveurs est passé par la cantine où je mangeais souvent. Que pouvait on y trouver ? Des légumes en boite de qualité très médiocre, des fruits en boite, des yaourts aux fruits sans fruits, ces deniers ayants été remplacés par des arômes artificiels. En bref, une cuisine très cuisinée fade et industrielle. A la maison, j’avais la chance que ma mère soit bonne cuisinière, j’ai donc eu tout de même l’occasion de connaitre le goût de la cuisine maison.
Mais l’industrie agro-alimentaire n’avait pas dit son dernier mot. Nous connaissons nos habitudes et les parents ont fait comme tout le monde, ils ont voulu faire plaisir à leurs enfants en achetant les produits qu’on voyait en pub à la télé. Et oui on allait chez macdo, ha oui on ira tous chez macdonald. Résultat un enfant en surpoids mal dans sa peau vivant avec à sa disposition toutes les pâtisseries, confiseries, chocolats tous issus de l’industrie. Ce que j’ignorais à l’époque c’est ce que contenait ces produits et l’effet réel qu’ils avaient sur moi. Oui bien sûr il y a l’indication des calories ! Sauf que 200 kcal apporté par des pommes de terre ou ces mêmes 200 kcal apporté par du Nutella n’ont pas les même effets sur le corps.
L’industrie utilise les sucres pour nous rendre addict. Dés nourrisson le simple contact sur le palet de sucre ou de graisse fait sécréter de la dopamine à notre cerveau. Il s’agit d’un phénomène naturel, à la base le corps a besoin de calories pour vivre, sans carburant tout le reste ne sert à rien. Légitimement l’organisme motive l’individu à s’en alimenter ! Il produit alors cette dopamine, appelée aussi hormone du plaisir, procure une sensation de bien être et vous fait croire que ce que vous manger est bon. C’est elle que je convoitais sans le savoir pour me soulager un bref moment. Ce mécanisme exploité par l’industrie nous rend accro, je l’étais…. Aujourd’hui je tiens pour responsable, en grande partie la chaîne de l’industrie agro-alimentaire des problèmes de santé que j’ai pu connaître.
C’est un peu exagéré ? Pas du tout car je connais aujourd’hui les sucres utilisés, ces faux sucres, il n’en ont pas le goût mais bien les effets, j’en parle plus bas.
Comment as-tu vaincu l’obésité, quelles ont été les difficultés les plus importantes que tu as rencontré ?
J’ai connu des difficultés liés à mon poids avant d’être en obésité. D’aussi loin que je me souvienne et lorsque mes proches parlent et parlaient de l’enfant que j’étais, on parle de l’enfant costaud, bouboule, bien-en-chair. Je tiens à écarter une difficulté à laquelle on pourrait penser. Je n’ai jamais de problème particulier en sport. Certes je n’étais pas celui qui courrait le plus vite ou le plus longtemps mais je ne crachais pas non plus mes poumons et je n’étais pas non plus le dernier. D’ailleurs j’avais des facilités pour certaines disciplines de souplesse ou de tonicité. Je tenais fermement sur mes jambes et je bougeais bien, j’étais fort et vif.
Le problème est que les camarades de classe parlaient eux plutôt du gros porc, du jambon, gros lard, baleine, le gros (là c’était les gentils). Les brimades ont malheureusement été assez loin et à l’époque il est clair que le harcèlement n’était pas pris au sérieux. Les conséquences nous sommes nombreux à les connaître. L’image malheureuse que l’on a de soi, l’isolement, la perte de confiance, l’angoisse de se retrouver à l’école, ou avec ceux de la famille qui vous rappellent à chaque fois combien vous vous « portez bien » ou que vous êtes « costaud » autant de conséquences qui vous motivent encore à vous tourner vers ce qui va vous soulager quelque peu, les aliments riches, les paquets de gâteaux ou la pâte à tartiner industrielle bien sûr.
Arrivé à l’âge de séduire, à l’adolescence, 17 ou 18 ans, les années de dérivent avaient produits leurs effets et c’est là que je sais avoir bien dépassé les 94 kg (pour 1m68). J’avais arrêté de me peser car la choses m’était devenue insupportable. Toutefois j’ai bien dû, à cette époque porter des pantalons taille 48. Longtemps je n’ai pas voulu admettre la vérité sur mon obésité. Là encore c’est l’image que l’on m’a renvoyé qui m’a fait prendre conscience de ma situation réelle. Lorsque vous tentez et retentez quelques conquêtes affectives et qu’à chaque fois on vous envoie des «t’es un mec super, vraiment top et je veux qu’on soit amis», vous finissez par comprendre que votre physique est devenu une barrière insurmontable auquel il va falloir pallier.
C’est donc seul, sans médecin ni opérations, armé de ma détermination qu’en 9 mois je suis passé de plus de 94 kg à 70 kg. Comme je l’ai dit plus haut, j’étais un garçon fort, vif et tenace, et je voulais que cela se voit. L’image que je renvoyais n’était pas celle à laquelle j’aspirai. Les changements physiques sont inimaginables. Je suis passé d’une pointure 42 à du 39 et demie, mes bracelets ne m’allaient plus au poignets, je ne reconnaissais plus mon coups, les chaises me paraissaient larges, la sensation du frottement de mes cuisses je ne la ressentais plus pareil, je découvrais chaque jour des os que je n’imaginais pas, et je ne parle pas de la révolution vestimentaire. J’avais gardé mes vieux pantalons, les tailles 40, ceux que je mettait à l’âge de 11 ans, je m’étais promis de les remettre. Challenge réussi ! Cette période fut très heureuse.
Seulement on ne chasse pas de telles années de dérives si facilement. Le corps est traître et il se souvient. Je n’étais pas préparé à la suite. Perdre les kilos n’est pas le plus dur, les garder l’est bien plus. Toutefois jamais au grand jamais je n’ai repris au stade de là où j’avais été. Au pire quelques années plus tard je suis monté à 80 kg. La peur de finir comme à mes 18 ans à réveiller à nouveau quelque chose en moi. Et je repartais ainsi dans mon régime maison. Celui-ci plus dur, plus de sport, cardio, plus strict, plus privatif. Il dura bien plus de 9 mois et cette fois je descendis jusqu’à 52 kg. Vertiges, fatigue, hypotension, carences diverses, mais toujours fort, vif et tenace (avec des os et des abdos visibles comme jamais), de toute évidence je me suis rapproché là du minimum de ce que peut supporter mon métabolisme.
Quand et comment as-tu commencé à t’intéresser à la musculation ?
La réponse à cette question est la suite directe de ce qui précède. Je ne pouvais raisonnablement pas rester au poids où j’étais et encore moins maigrir davantage ! C’était il y a 5 ou 6 ans. Il est était également hors de question pour moi de reprendre du gras avec les difficultés que j’avais connu. Dernière solution, devenir le gars fort, vif et tenace que je voulais être, un vrai Jojo Costaud.
Je savais cela possible, après tout, cela faisait des années que je regardais des acteurs comme Schwarzy ou des sportifs comme les rugbymens. Autour de moi je voyais bien aussi que mes proches ouvriers avaient des muscles plus saillants que les employés de bureaux. Lors de mes multiples régimes j’avais testé plusieurs salles de sport et j’avais bien vu que des évolutions physiques étaient possibles.
Je ne m’y étais pas intéressé avant car, je dois l’admettre, j’avais peur de correspondre à un cliché. Le mec gay faisant de la gonflette, et qui n’a rien dans la tête (je m’arrête là pour rester poli). Je sais que ce cliché existe chez les hétéro aussi, mais il est particulier pour les gays qui ont à subir un trait de plus homophobe.
En salle je me sentais perdu, je ne comprenais rien aux machines. Les coaches blasés avant l’heure de voir s’additionner les gens peu motivés ne s’attardaient pas à nous aider. J’ai donc commencé par ce que je savais faire à la maison : des pompes, des crunchs et des tractions sur barre entre pas de porte. Tous les jours, je faisais mes exercices en essayant d’en ajouter un peu plus. Au bout de 2 ou 3 mois je faisais plus de 600 pompes en séries de 200, j’avoue avoir été moins régulier en ce qui concerne les tractions que je ne faisais qu’en prise supination et les abdos que je n’ai jamais aimé faire. J’avais déjà un beau résultat. Les pompes sont un bon exercice pour débutant mais je voyais bien qu’elles ne suffisaient pas.
Je suis donc aller pécher des infos sur internet, je suis tombé sur des passionnés, j’ai acheté mon premier banc, les barres et poids, les haltères j’en avais qui traînaient depuis un moment. J’ai beaucoup lu, j’ai compris le système des programmes, j’ai repris des modèles, testé des choses. Le site qui m’a beaucoup aidé est Musculaction où j’ai croisé Street. Son modèle de développement à domicile (cf. musculation à domicile) m’a tout de suite plu car rapidement le programme PPL que je m’étais fait ne suffisait plus et il m a fallu trouver plus adapté. D’autant que mon travail ne me libère pas assez de temps pour partir en salle. Sachant que dans mon petit coin de campagne la salle la plus proche, est à 30 min de voiture.
En tant que patron, tes horaires ne se limitent pas aux 35 h, j’imagine que tu es plus autour des 60 h, comment arrives-tu à t’organiser pour tenir tes entraînements ?
Je dirais plutôt que mes entraînements sont les seuls événements de ma semaine qui sont cadrés. J’ai un travail qui demande beaucoup d’organisation mais qui doit aussi faire face à des imprévus et avec une saisonnalité qui entraîne tout le temps des changements. Par exemple mes semaines du mois de février et mars sont pleines de travail du chocolat de Pâques alors que celles de novembre c’est du chocolat, mais pour noël. Rien à voir, en janvier c’est les galettes (pas de chocolat où très peu), et en juillet et août ce sont des glaces et pâtisseries légères qui vont prendre le pas.
Voilà pourquoi avoir des entraînements calés me structure quelque part. Je sais que ça n’a rien d’idéal, je me lève à 3 h toute l’année, voire quelques fois plus tôt certains jours importants, mes journées finissent en moyenne vers 16 h, parfois 12 h en période très légère et 19 h en période lourde. Je ne rate strictement aucun entrainement à cause de mon travail, j’enchaîne sur celui-ci s’il le faut.
Beaucoup me diront que ça peut être pénalisant, mais si je commence à faire sauter des entraînements pour cette raison j’ouvre la porte de l’abandon et d’un entrainement irrégulier. Je pense qu’il me vaut mieux un entrainement « forcé » qu’un entrainement fréquenté dans l’année. Lâcher un moment, entraîne des difficultés à reprendre. D’autant que les poids que je soulève progressent et les difficultés que je rencontre n’ont pas l’air d’être étrangères à d’autre pratiquants de niveau équivalent.
Est-ce que d’une manière ou d’une autre l’entraînement t’aide à être plus productif au quotidien ?
Lorsque j’ai débuté le métier de pâtissier, c’était à la période où je pesais dans les 55 kg, la période où donc j’étais le moins solide. Un petit, menu en reconversion professionnelle qui débarque dans un labo, on lui fait rapidement comprendre que vous n’avez pas le profil pour le job. J’ai du faire mes preuves et j’ai rapidement vu qu’il fallait que mon physique suive.
Aujourd’hui je vois une réelle différence et mes employés ont remarqué les sacs de 25 kg que je soulève à une main, les piles de plaque de cuisson que je transporte aisément (chaque plaque faisant entre 1,5 kg et 2,5 kg, la pile peut rapidement en faire 30 kg). L’image importe simplement parce que cela me permet d’être perçu comme un travailleur fiable et non comme celui à qui il faudrait aider dans les tâches physiques (dans une journée il y en a tout le temps). Moi-même je me sens mieux dans ma journée. Toutes ces tâches me semblent naturelles et simples, je me suis débarrassé d’une vraie pénibilité !
L’entraînement me permet aussi de mieux connaître mon corps. Pour travailler nos muscles correctement il faut être précis dans nos mouvements en accord avec ce dernier et sentir les zones travaillées. L’un des risques de notre profession très physiques est le trouble musculo-squelettique et les maux de dos en tout genre. Les fautes en reviennent aux mauvaises postures et à une gestuelle hasardeuse. Je suis convaincu que mon aisance physique acquise en entrainement m’aide naturellement à m’appuyer correctement sur mon corps et prendre des postures en respectant ce dernier. Je ne souffre jamais de rien d’autre que de courbatures suite à l’entrainement !
Est-ce que ta vocation professionnel à un lien avec ton rapport actuel à l’alimentation ou est-ce que c’est une carrière que tu as toujours envisagé déjà jeune ado ?
Oui, si je fais ce métier c’est entièrement en lien avec le rapport que j’ai pu avoir avec l’alimentation. Comme beaucoup, déjà enfant je cuisinais avec ma mère, elle était douée et je l’étais moi aussi très tôt. Évidement ma spécialité était les desserts ! À 10 ans je montais les blancs en neige ou la crème à la main, en cuisine aussi je jouais les gros bras.
Le problème c’est que mes gâteaux ne ressemblaient pas aux pâtisseries du commerce, y compris les industriels ! Je ne savais pas faire une éclair, les crèmes que je faisais était des poudres industrielles. Je le rappel, je suis de cette génération cantine, mes parents ont fait comme les autres et au dessert c’était pas vraiment du maison naturel.
Toutefois je n’ai pas de suite choisi cette voix, car j’étais bon à l’école, donc l’idée d’un cursus professionnel ne m’était pas présenté comme adapté et surtout j’étais gros ! Je me disais qu’en exerçant ce métier, jamais je ne réussirai à perdre du poids !
En réalité ça n’est que vers l’âge de 25 ans, quand je pensais moins de 60 kg que je me suis permis de me diriger vers ce métier. D’autant que ma haine pour l’industrie agro-alimentaire était à son apogée ! Au fil de mes régimes je me suis renseigné sur comment réussir à perdre du poids car je le faisais seul, sans aide médicale. J’ai voulu comprendre ce qui se passait dans mon corps et comprendre ce qui s’était mal passé. J’ai découvert comment cette industrie vous tient et vous détruit. Je devais faire quelque chose, je devais trouver le moyen de faire des desserts bons, nourrissants et respectueux de ceux qui les produisent et surtout de ceux qui les consomment. Je voulais faire les desserts que je n’avais pas eu étant jeune.
Tu réalises un véritable travail de recherche pour trouver les matières premières avec lesquels tu vas travailler toute l’année, est-ce une démarche qui s’est imposé tout de suite quand tu as ouvert ta pâtisserie ou est-elle venue en t’intéressant à la musculation et la nutrition ?
Cette question est à la base même de ma vocation. J’ai rapidement compris que si je voulais respecter mes principes il me faudrait ouvrir mon propre établissement. Pour le moment je suis bien les principes de choix des produits, respects de ceux qui les produisent. Toutefois la nutrition en musculation m’apporte une vision encore différente. Je dois admettre que le sportif qui viendrait me demander des produits pleinement pertinents à son alimentation ne trouverait pas quelque chose de vraiment adapté.
Les produits, bien que riches en nutriments, restent aussi trop riche en glucides, c’est vrai. Cela nourrit mes réflexions pour des projets futurs. Aussi pour cela j’ai conscience que mon établissement actuel n’est pas organisé pour cela et il n’est peut-être pas au bon endroit. Il est parfait pour trouver des produits sains mais pour toucher un public de sportif cela doit se faire ailleurs.
Tu es tellement passionné par les produits naturels bruts, que lors de tes voyages tu n’hésites pas à visiter des producteurs locaux, comme pour la vanille ou le cacao à Madagascar. Peux-tu nous partager ton expérience sur ce sujet ?
Ce voyage m’a marqué à vie. J’ai vu comment et par qui le cacao était cultivé, extrait et torréfié. J’ai pu en faire autant pour la vanille, voir comment elle était cultivée par qui et comment elle était préparée à Madagascar. Je savais évidement ce que racontait les livres à ce sujet, mais là j’ai pu voir, sentir et vivre, passer de la théorie à la pratique.
A ma descente de l’avion ce qui m’a marqué c’est le climat. Malgré la fin de saison de l’été, période marquée par de fortes chaleurs et de la mousson, l’humidité et la chaleur étaient extraordinaires. La seconde surprise ne tarda pas, la richesse de cette terre était remarquable, intensément verte, d’une densité surprenante. On comprend assez vite que ces deux éléments, climat et flore, sont intimement liés.
Lors de ma visite j’ai pu constater combien de produits étaient cultivés en grande partie pour la France. Sur cette terre pousse, poivre, café, ylang ylang, sucre de canne et bien sûr vanille et cacao et bien d’autres en réalité ! Pour ce voyage j’étais accompagné d’employés de mon couverturier, Valrhona, celui qui récupère les fèves de cacao une fois séchées et les transforme en chocolat. Ils venaient eux aussi voir si les produits qu’ils utilisaient répondaient bien aux exigeantes promesses qu’on leur avaient indiquées. Cela avait réveillé ma méfiance car je craignais que l’on cherche à me dissimuler quelques secrets. Je peux clairement affirmer qu’il n’en fut rien.
J’ai pu rencontrer les terres cultivées et les paysans qui les cultivent, sans filtre nous avons pu les questionner. Je les ai vu cueillir les cabosses, les ouvrir, recueillir les fèves, les faire fermenter, les faire sécher et j’ai même pu y participer et le faire moi-même ! J’ai pu planter un cacaotier et même une liane de vanille ! Cela prend des semaines bien sûr, moi je n’ai eu que quelques jours pour parcourir le circuits que les fèves suivaient.
La vérité est simple, la culture du cacao et de la vanille se fait sans l’aide d’aucun pesticide, bio sans que cela ne soit reconnu officiellement. Cela est possible tout simplement parce que le cacaoyer se plaît naturellement à Madagascar et qu’il se protège naturellement par une culture variée et un climat adapté. Obtenir l’homologation demanderait de faire des contrôles sur chaque arbre de cacao, hors les paysans sont propriétaires de leur terrain et se baladent partout lorsqu’ils partent récolter, le travail serait titanesques et l’investissement financier viendrait alourdir le coût du produit, d’autres investissements semblent plus importants. Celui de la vanille semble plus simple mais là encore la vanille est déjà très chère, ce label, demande des contrôles et donc un coût.
Ce que j’ai pu y constater m’a encore confirmer combien la production industrielle telle qu’elle est faite depuis plusieurs dizaines d’année est un drame.
3 choses sont à dénoncer :
Tout d’abord, la production du cacao le plus produit, celui qu’on retrouve dans les Chocapics, le Nutella, les Kinder, les Ferrero Rocher mais même celui des biens appréciés Jeff de Bruges et Leonidas, bref toutes ces marques industrielles et les plus vendues ne sont pas produites telles que je l’ai vu. J’ai parlé de paysans parcourant leur terres pour cueillir les cabosses de cacao. Cela est vrai pour le chocolat coûteux que j’utilise, mais pour réduire les coups les industriels ne fonctionnent pas pareil.
Il s’installent dans des champs, plantent des rangs de cacaoyers bien rangés après avoir préalablement rasé tout ce qu’il y avait. Cet arbre fait entre 8 et 10 mètres normalement, la récolte se fait au bout de 4 ans. Sa taille pose un problème au niveau de la cueillette et son ensoleillement doit être géré. Dans nos bonnes cultures, ils poussent sous des bananiers, un arbre qui pousse rapidement (1 an suffit à sa récolte). En plus de son avantageuse ombre, les bananes obtenues permettent d’assurer un revenu au paysan. Sauf que tout cela n’est pas du goût des industriels. Dans leur champs bien rangé, pas de bananiers, les cacaoyers son bridés artificiellement pour les maintenir à hauteur d’homme en les courbant. Sauf que dans ce cas l’arbre est vulnérable, la solution utilisée est toute trouvée, les pesticides !
Deuxièmement, je parle bien de paysans exploitants leurs terres. Ces terres leur permettent de faire vivre leur famille. En étant libre d’utiliser leurs terres, ces derniers peuvent cultiver divers produits comme des épices, pour compléter leurs revenus ou tout simplement des fruits et des légumes pour se nourrir. Je parle d’un pays où les gens n’ont pas l’accès à l’eau potable, vivent dans des baraques en bois ou en tôle, où l’eau passe souvent lors des moussons au travers du toit. Je ne parle même pas de l’accès à l’école ou des moyens de santé.
Voyant cela dans une partie de l’île, j’ai vu le village en dur, que Valhrona mon couverturier a construit pour les paysans qui récoltent les fèves qu’il rachète, ils ont une infirmerie et un médecin, ils ont de l’eau potable et une école. Aussi, un revenu minimum d’1$50 au kilo de fèves leur est assuré. Les autres paysans, ceux qui travaillent pour les gros industriels, n’ont pas cette chance. Ils ont vu l’année dernière le prix baissés sous les 1$. Cela ne suffit pas pour vivre, même pour une vie aussi indécente. Ce n’est pas le cas à Madagascar mais dans certain pays, notamment en côte d’ivoire (1er producteur et exportateur de cacao 80%), les paysans ne sont pas propriétaires de leur terre. Ce qui veut dire que ces derniers ne peuvent utiliser ces terres pour nourrir leur famille comme les paysans que j’ai rencontré. Avec un si faible revenu et sans cette option je n’ose imaginer leur vie.
En proposant ce chocolat à mes clients, je participe et je fais participer clairement à une production de cacao plus respectueuse de l’environnement et des personnes qui le produisent. Du travail reste à faire bien sûr. Mais comment faire ? Ici les gens ne voient que le prix. Si le chocolat continue d’être consommé comme il est, cela n’encourage pas la production vertueuse, en plus de fabriquer des obèses. Ce voyage n’a donc absolument pas amoindri mon ressentiment envers les industriels.
Troisième et dernier point, celui concerne la production de sucre de canne. Madagascar, jusque dans les années 90 a satisfait une grande partie de la demande en sucre de canne de la France. Des entreprises Françaises étaient venues, elles avaient promis de bons revenus aux paysans qui y ont travaillé durement pendant plus de dix ans. Seulement dans les années 2000 nous avons fait la guerre au sucre ici, nous avons fait en sorte que la consommation diminue, il fallait que nous fassions attention à notre santé ! La concurrence Asiatique arrivant également et soucieux de préserver la production dans les Dom Tom, ces entreprises Françaises ont abandonné les paysans et leur exploitations presque du jour au lendemain. Aujourd’hui encore j’ai pu voir des champs de cannes qui ne serviront à personne. Ma question est simple, nous avons cessé d’acheter du sucre malgache et mit sur la paille des milliers de gens, avons-nous pourtant moins de gens en surpoids ? Qui nous fait donc grossir et nous rendre diabétique ? Le sucre de canne malgaches ou l’industrie qui les exploite encore aujourd’hui ?
Comment et quels additifs utilises-tu en règle générale et lesquels sont indispensables à tes préparation en pâtisserie ou en confiserie ?
En effet j’utilise des additifs que l’on peut trouver dans des produits industriels. Je préfère donc expliquer ce que je fais en comparant avec les pratiques des industriels. Toutefois je ne les utilise pas pour les même raisons et pas en même quantité. Je suis un artisan qui utilise des produits bruts choisis en fonction de leur proximité et du meilleur rapport qualité prix, toutefois je dois répondre à des contraintes de conservation, de condition de production et de critères de goûts.
Pour conserver un produit il existe des conservateurs naturels, le sel, le sucre et le gras. Il y a encore 15 ans les pâtisseries étaient encore très riches et se conservaient facilement. Aujourd’hui on nous demande des desserts plus légers, ce qui veut dire avec un taux d’humidité élevé et très aéré. Hors l’air et l’eau sont les aliments préférées des bactéries. Voilà comment, par exemple je suis amené à utiliser des sucres invertis ou glucoses pour rendre certaines préparations plus imperméables tout en gardant une texture légère. L’industriel utilise ces sucres car ces derniers ont un pouvoir sucrant faible, c’est-à-dire qu’au goût, il n’ont pas le goût de sucre. Ils trompent votre palais, vous font manger du sucre sans que vous le sachiez. C’est ainsi que nous utilisons le même produit mais non pour les même raisons et encore moins dans les même quantités.
Prenons l’exemple d’un produit dont la fabrication est inquiétante et les conséquences scandaleuses. Près de 100% des pains de mie consommés est aujourd’hui un pain industriel acheté en grande surface, pire, 90 % du pain consommé est du pain de mie. Ce soi-disant pain de mie contient une quantité énorme de sirop de glucose, une grande quantité de sel pour donner du goût, de la farine, de la poudre de lait, de l’huile et surtout beaucoup de levure ce qui va lui donner cette texture si aérée. Évidemment on pourra y découvrir colorants et additifs utiles pour vous faire apprécier tout ça.
La recette traditionnelle contient du lait avec les apports nutritionnels correspondants et du beurre et non de l’huile végétale douteuse ! Il n’est pas aussi aéré car il contient moins de levure. On ne peut pas mettre plus de levure, nous serions obligés d’ajouter du sucre car les levures s’en alimentent pour activer leur fonction de pousse qui va donner ce côté aéré et souple. Or ce procédé s’il est poussé trop fort va acidifier le pain, lui donner un goût désagréable, acide et rance. C’est pourquoi les industriels ajoute le sel, les additif et du glucose plutôt que du sucre classique. L’utilisation d’huile fait baisser les coûts puisqu’elle est moins chère que le beurre mais elle a beaucoup moins de goût ! Ma recette contient donc des ingrédients équivalents à 1ere vue, mais ils n’ont pas la même fonction. Comme le veut la nouvelle tendance j’ai réduit de moitié la quantité de sel et de sucre par rapport à la recette que j’avais, elle doit avoir un bon siècle.
Mais voilà, l’industriel a totalement séduit le grand public et ce pain je n’en fait que rarement. Ce produit et je pourrais ajouter la brioche, nous ont été volé au profit d’un produit ridicule. Ce n’est pas bon pour notre corps et le goût et la texture sont des fumisteries pour nous amadouer ! Je ne développerai pas le cas de la brioche, mais les artisans se sont tout autant fait volé leur produit. L’industriel a même invente la brioche sans beurre ! Quel horreur ! Et celles qui contiennent du beurre, il vient de Belgique ou de Hollande qui a été congelé et dont la production du lait dont il est issu est tout sauf naturel ! Que peut on attendre de BON de tout ça ?! Pointer alors du doigt les additifs que je peux utiliser me parait indécent non ?
Précisons également que l’utilisation des additifs par les artisans ne date pas d’hier et qu’aujourd’hui, je suis issus d’une génération de pâtissiers qui en utilise moins que ses prédécesseurs. Toutefois il y a des pratiques qui me paraissent incontournables. J’utilise du sucre inverti dans des biscuits pour que ces derniers gardent leur moelleux, du glucose dans certaines ganaches ou crème pour éviter leur dessèchement. Autrement mes chocolats n’auraient que 2 semaines de DLC, mes biscuits deviendraient secs au bout de 5 jours. Si vous prenez des produits équivalents de l’industrie, le sucre transformé est l’ingrédient principal. Un exemple simple, la où la pâte à tartiner industrielle bien connue possède 60% de sucre transformé et 30% de graisse de palme, la mienne possède 60% de noisette, 30% de chocolat et 9% de sucre saccharose. Je n’y ai mis aucun additif puisque les produits naturels utilisés suffisent à assurer une DLC raisonnable. L’industriel cherche la rentabilité et rendre les gens addicts, là où je cherche à alimenter tout en régalant mes clients des goûts.
Plus scandaleux, l’utilisation des arômes artificiels et des colorants, de mon côté j’ai réussi à bannir le premier sans pouvoir pleinement me passer du second. La génération cantine que je suis à grandi avec de yaourt à la banane sans vrai banane dedans, des glaces à la vanille sans vanille et des chips au goût poulet rôti qui sont une très grande farce. On m’a menti et trompé je ne ferais donc jamais pareil. Attention, je ne dis pas que ces additifs sont dangereux pour la santé, une des interview très récente d’un employé d’une entreprise agro chimique fabricant ces produits, explique bien qu’il n’y a pas de risques pour la santé de consommer ces produits (Cf. Je parle broscience avec un Toxicologue).
Cela étant dit, le risque est ailleurs. Laissez moi illustrer mes propos par une anecdote. Ma première boutique était située en région parisienne, un été je décide de proposer de la glace artisanale. J’utilise donc que du fruit, ce qu’il faut de sucre, de glucose en quantité responsable mais indispensable pour la texture, et de l’eau. Je me souviens de deux enfants hésitant au départ à en prendre, car il ne s’agissait pas des marques industrielles qu’ils connaissaient. Ils se laissent finalement convaincre par la fraise. Ils repartent avec leur glace avant de revenir quelque minutes après. D’après eux, la glace avait un goût bizarre… Nous avons dû leur expliquer qu’ils avaient là une glace faite avec de vrais fruits et non des arômes artificiels. Je ne détaillerais pas les astuces des industriels pour ajouter de l’air à leur glace, la pauvreté des produits laitiers utilisés et de la provenance de leur fruits.
L’industrie agro alimentaire à fabriqué une génération qui a remplacé le goût des vrais aliments par leurs équivalents artificiels. De plus, en utilisant de vrais fruits ma glace et les autres produits gardent un maximum des autres nutriments naturels (vitamines, sel minéraux, protéines etc) alors que l’industriel utilise un arôme dont le goût se rapproche du goût naturel. L’industriel ne peut pas totalement imiter le goût d’un produit naturel, il n’en a qu’un spectre limité, il ne fabrique chimiquement que la molécule principale donnant le goût à l’aliment. Hors ce qui donne la finesse d’un goût à un aliment naturel, c’est un ensemble de molécules beaucoup plus complexe, qui d’ailleurs change en fonction de différents critères, pour un fruit, sa variété, son niveau de maturité etc. Le risque c’est donc de perdre le goût des choses, de perdre en finesse de goûts, de devenir addict à la bouffe et de vous alimenter sans vous nourrir convenablement.
Je finirai par les colorants. L’utilisation de ces derniers est réglementé en quantité. En effet les risques pour la santé sont prouvés à partir d’une certaine quantité prise quotidiennement. Hors la génération cantine que je suis, en à consommer partout dans les produits industriels. Des yaourts, au soda en passant par le jambon et les crevettes, il y en a eu partout ! Aujourd’hui encore il y en de trop, en multipliant la consommation des produits qui en possèdent dans la journée, les risques pour la santé sont avérées.
Toutefois la législation s’applique aussi à nous et je trouve cela bien et j’ai mes contraintes. Je dois rendre mon travail séduisant et attiré l’œil. Les gens disent qu’ils ne veulent pas de colorants, mais si mes macarons framboise ne sont pas roses ils n’en achèteront pas. Pire, la pistache, il est presque impossible d’obtenir ce que l’on appelle aujourd’hui le vert pistache, seulement avec de la pistache. De la même façon sans ajout de colorant personne ne reconnaîtra et ne voudra ma glace ou de mon biscuit pistache. Toutefois je suis de cette génération qui cherche à être raisonnable, c’est pourquoi mes macarons et mes autres produits ont des couleur pastels. Aussi, sachez que c’est ma résolution 2020, n’utiliser que des colorants naturel. Mes fournisseurs en colorants travaillent sur des colorants naturels, des que possible je passerai aux tests, pour savoir si leur utilisation est vraiment possible partout, les mélanges peuvent se faire difficilement, comme il s’agit de colorant naturel comme le curcuma, il peut y avoir des altérations de goût etc. Je ferai une évaluation au niveau du coût également, car naturellement ils sont plus chers. Hors contrairement à ce que les gens racontent dans les sondages, ils ne sont pas si facilement prêt à acheter plus chers pour manger mieux.
As-tu une traçabilité stricte sur ces additifs et comment les considères-tu toi-même dans ton métier et dans ton alimentation personnelle ?
Cette question me fait réfléchir sur un point, non, je n’ai pas une traçabilité stricte des additifs que j’utilise. Toutefois j’utilise des produits de marque Française et dont la fiabilité est reconnue dans le métier. Les artisans ne se posent pas cette question et ayant été formé par eux j’ai repris leur état d’esprit. J’ai remis pas mal des choses que j’ai appris en question mais pas encore celle là. Aussi j’ai l’occasion lors de salons professionnels de rencontrer des représentant de ces fabricants. J’ai pu donc échanger sur cette question et être en partie rassuré.
Pour mon alimentation les choses sont simples, c’est les produits les plus locaux possibles, cuisinés par moi-même. Je n’achète en grande surface que du café soluble, de la moutarde et les flocons d’avoine (je me demande quelle tête doit faire Street face à cette coquille…). Je ne bois pas de soda et je n’oublie aucun de mes principes quand je vais au restaurant. En clair, pas de mauvais fast foot depuis bien des années. Ma consommation d’additifs est aujourd’hui vraiment très limitée. Je pense en avoir consommé dans le passé suffisamment pour toute une vie.
Je sais que les additifs ne sont pas si dangereux mais je sais surtout qu’ils sont trompeurs et que surtout qu’ils ne nous apportent au mieux de la fantaisie mais rien au point de vue nutritionnel et que l’on peut parfaitement se faire plaisir à table sans.
Selon toi ton secteur est-il épargné des abus d’additifs et de produits transformés de mauvaises qualités ?
Il n’en est pas du tout épargné malheureusement. Reprenons exemple du pain de mie, mais nous pourrions parler des croissants ou des différents pains. Ces produits ont commencé à faire leur entrée il y a environ 40 ans. Les grandes surfaces faisaient leur apparitions et ont rapidement exercé une concurrence déloyale aux artisans. Ils proposaient des produits accessibles, moins chers et ils avaient les moyens de faire toute la publicité aux slogans que même aujourd’hui les gens se souviennent. La consommation s’est peu à peu reportée sur ces produits ce qui a rapidement éveillé de fortes inquiétudes chez nos artisans.
Je précise que ces derniers avaient pris pour habitude de s’accorder de fortes marges qu’aujourd’hui je trouverai inenvisageables. Notons aussi que les charges et les salaires étaient bien inférieurs et surtout que le coups des matières premières étaient bien moins chers. Pour exemple, la poudre d’amande était à 2€50 au plus haut alors qu’aujourd’hui j’ai une qualité inférieure pour au moins 7 €. Hors aujourd’hui je dois faire les même galettes des rois !
Cette différence s’est faite progressivement. Les industriels eux ont rapidement repérés le filon. « monsieur le boulanger, le pâtissier ou charcutier, vous voulez faire face à la concurrence ? », puis se fut « vous voulez maintenir vos marges ? » puis « vous voulez avoir plus de temps à accorder à votre famille ? » ensuite « vous devez réduire le temps de travail de vos employés ? », « faire face à la hausse des prix des matière premières ? », et aujourd’hui nous avons même « répondre à la demande des consommateurs habitués aux choix larges et instantanés de la grande distribution et d’internet ».
C’est ainsi que l’on s’est retrouvé avec de la margarine (qui a une odeur exécrable et un goût abjecte) au lieu du beurre dans les croissants, ou pire des croissants totalement industriels chez l’artisan, des mixs de farines pleines d’additifs et de gluten enrichie, des poudres magiques pour faire des crèmes, des composés pleines de glucoses, des pâtes d’amandes au nombre d’ingrédients toujours plus grand etc. Encore aujourd’hui, certains se moquent de moi car il me le disent, de toute façon les gens mangent n’importe quoi en grande surface, « pourquoi est ce que tu te prends la tête? ».
En effet, j’ai chaque jour l’impression d’être pris entre plusieurs étaux, celui du coût de la matière première que je veux d’une qualité minimum, les charges, le coût de la main d’œuvre et le fait que les clients courent davantage après le prix qu’autre chose. Le coût de la main d’œuvre n’est pas à minimiser car quand on fait les produits maison, que l’on transforme soi-même la matière première cela demande du temps. En 35 h dans la semaine, sincèrement on ne peut rien faire de bien. Il faut comprendre que pour exécuter certaines tâches correctement, il faut acquérir un certain coup de main. Il faut donc s’exercer, faire et refaire, il faut donc un temps minimum fréquents pour proposer des produits maisons. Il coûte moins cher d’acheter des croissants tout fait que de payer un ouvrier à apprendre à les faire bien et à en faire tous les jours. Si j’ajoute le coût de l’entretien et du renouvellement de petit et gros matériel toujours plus sophistiqué, j’ai souvent l’impression d’une équation insoluble.
Beaucoup donc « ne se prennent pas la tête » et n’hésitent plus. Après tout, ils gagnent mieux leur vie, ils ont plus de temps à consacrer à leur vie personnelle, ils n’ont pas autant d’ennuis de personnels. Le fameux pain de mie, les industriels ont déjà trouvé le mélange à nous vendre pour en fabriquer nous même. D’ailleurs ce qui en font les vendent bien mieux que mon pain de mie traditionnel. Je mets ce phénomène dans le même ordre d’habitudes que celui de demander des fraise en mars ! Je sais même que je perds une grosse partie de mon chiffre d’affaire car les clients vont les chercher chez les confrères. Ils achètent de la fraise Espagnole au goût de coton et se moquent de moi qui attend la bonne solognote régionale… Revenir en arrière va être difficile.
En conclusion, je dirais que les habitudes sont ancrées depuis longtemps et que les pâtisseries de votre enfance n’étaient pas épargnées. Il est difficile d’accabler les artisans qui ont recours à ces produits controversés, les conditions de travail se devaient d’être améliorés, simplifiés, cela s’est fait au détriment d’une qualité coûteuse dont le public s’est aussi laissé détourné. Toutefois une bonne partie la génération actuelle souhaite exercer la profession autrement et le public semblent de plus en plus sensible à manger plus naturel, plus local et plus terroir. De toutes les manières, il faudra le concours de tous si on veut manger mieux car c’est bien collectivement que nous en sommes arrivés là.
Aurais-tu une recette « secrète » de collation, gourmande, simple à nous partager ? Et selon toi existe-t-il des pâtisseries de meilleures ou moins bonnes qualités ou dont la qualité serait plus facilement négligée qu’une autre ?
Je connais peut être plus une astuce qu’une véritable recette.
J’ai parlé juste au dessus de la pomme. On connaît tout la fameuse pomme au four, testez donc celle à la poêle avec un peu de beurre. C’est simple et on peut la marier avec énormément d’ingrédients (miel, chocolat, cannelle, citron, rôti de porc, amandes, noisettes, noix, cacahuètes etc…) et vous pouvez l’ajouter à n’importe quel repas de la journée. Le matin avec vos flocons d’avoines, au déjeuner vous avez le choix entre vous régaler au dessert ou vous en servir en accompagnement de certain plat. Le porc ou certaines volailles se marient très bien. En salade aussi, vous pouvez en faire un peu d’avance en manger chaudes et en garder pour le lendemain et les ajouter à une petite entrée de crudité. Mon péché pignon est un mariage amande, miel et fromage de chèvre sur une tartine de pain au sésame ou aux graines. Cette dernière recette vous fera voyager à chaque bouchée !
En ce qui concerne la qualité des pâtisserie je dois avouer que mon expérience n’a fait que vérifier l’évidence. Lorsque c’est fait maison c’est meilleur, lorsqu’on respecte une certaine qualité des produits utilisés c’est meilleur et ce n’est pas une question de prix. Choisir les fruits en saison, c’est le moment où ils sont les meilleurs et les plus nutritifs mais je suis toujours triste de voir que ce n’est pas ce que les clients réclament. Ainsi en décembre nous devrions nous régaler d’ananas et non de fraise.
Sur ce même sujet il y a un point délicat qu’il est très difficile à expliquer et qui va à l’encontre de nos habitudes. La tarte aux fruits du pâtissier, celle où l’on peut voir plein de fruits est un désastre en matière nutritionnel ! En effet le transport, le froid positif (de 2 à 5°c), les multiples manipulations, la découpe dégradent les nutriments et les qualités organoleptiques du fruit. N’espérez pas qu’il y reste des vitamines et le froid inhibe le goût. D’autant que pour avoir un fruit frais sur une tarte le fruit à souvent été cueillit vert.
En réalité pour faire le plein de nutriments et avoir un goût plus franc nous, les pâtissiers utilisent des purées de fruits qui ont été fabriquées à partir de fruits arrivés à maturité et réduits en purée à froid puis conditionnées de manière à en conserver le meilleur des fruits. Pour reconnaître une pâtisserie aux fruits de qualité, il vaudra mieux privilégier les pâtisseries qui ont dans leur composition des « compotés de fruits », « gélifie de fruit » ou « coulis de fruit » ou encore « marmelade de fruits ». D’ailleurs vous avez là un bon test pour savoir si votre pâtissier tient ses promesses. En effet mettre des fruits sur une tarte c’est simple, mais réaliser une compotée demande plus de soin. Testez et si c’est fade ou trop sucré, c’est que ce dernier a peut être un travail peu rigoureux.
Cela m’amène à la dernière astuce pour reconnaître une pâtisserie de qualité. Comme je l’ai dit les produits industriels ont envahis nos boutiques artisanales. Il existe même des produits industriels qui permettent de faire du montage maison et permettent de faire croire au client que c’est fait maison. Premièrement, sachez que toutes les chaines type Marie blachere, Paul, Pâte à pain, Jeff de Bruges ne vous servent que des produits industriels. Ces enseignes ne sont pas regardantes sur la qualité des produits mais juste sur leur rentabilité.
Vous les voyez fabriquer ? Ce n’est que du montage à partir de produits industriels médiocres. Je ne peux pas en dire de trop mais je sais que certains des dirigeants de ce types d’enseignes ont eu l’occasion de tester mes produits, et même quelques-uns viennent parfois lorsqu’ils passent dans la région. Sans caméra ils reconnaissent volontiers que la différence est énorme et que leur préférence pour eux-même ne fait pas de doute.
Dans les pâtisseries traditionnelles un premier conseil est d’éviter les pâtisseries que vous voyez partout comme par exemple la tarte au citron sur laquelle « citron » est toujours écrit pareil. Ensuite, sachez que le métier de boulanger et de pâtissier ne sont pas les même. Malheureusement les boulangers, plus nombreux, sont amenés à faire de la pâtisserie à contre cœur. Ils auront parfois tendance à aller à la simplification, demandez donc gentiment si les pâtisseries de la boutique sont réalisées par un pâtissier. Jugez en fonction de la franchise de la réponse.
Les autres moyens sont difficiles à donner à l’écrit, mon expérience me permet de capter des choses par le visuel, pour mieux faire il faudrait que je fasse une visite et que j’attire l’attention sur un ensemble de petits détails.
Si tu avais quelque chose à dire aux plus gourmands d’entre nous avec des problèmes de surpoids, un dernier mot ?
Découvrez le vrai sens du mot « bon » !
J’entends trop souvent dire « le Nutella c’est trop bon ! ». Ce truc procure une sensation de plaisir mais n’est pas fin, savoureux et goûteux au palais. Un aliment, raconte une histoire a vos papilles. Il possède une attaque lorsqu’il entre en contact et surtout s’il à une odeur, vient ensuite que son goût dominant apparaît et on fini dans la durée sur une longueur dont le goût peut évoluer. C’est l’ensemble de cette histoire qui caractérise la finesse de ce que l’on mange.
Si vous aimez vous mettre à table, tentez d’intervertir votre dépense au plaisir artificiel du gras et du sucre par l’expérience des goûts et des saveurs. Je me souviens qu’à une période je me disais savoir ce qui avait du goût ou non, je me fourvoyais.
Je vous propose quelques jeux que me fais encore parfois aujourd’hui. Prenez une variété de fruits ou de légumes ou même un morceau de viande, ou prenez en un plus mûr et l’autre plus jeune. Testez votre palais, goûtez l’un puis l’autre, voyez ce que l’un déclenche comme goût. Lequel est plus acide, plus sucré, plus salé ou amère (ou encore astringent pour ceux qui connaissent). Voyez ensuite le goût qui le défini. Ensuite revenez quelque jours plus tard dessus, demandez-vous si vous vous souvenez de son goût. Vous allez vous surprendre vous-même. Vous allez vous amuser et vous aurez envie de tester ça avec pleins d’aliments. Manger sera un jeux et plus une addiction.
Une autre façon de s’y prendre ensuite est de les cuisiner. Savez vous définir la différence de goût que peut avoir une pomme fraîche et une pomme cuite au four ou à la poil avec un peu de beurre, comme ça sur l’instant ? Avez-vous d’ailleurs remarqué que d’une manière générale, le goût en attaque est beaucoup plus fort si l’aliment est chaud ? Si vous êtes gourmand vous aurez envie de savoir. Si c’est vrai pour les pommes que dire de la banane, la poire, l’ananas etc… Testez les avant et après les avoir cuisiner ! Ces méthodes m’ont permis de m’ouvrir et finalement d’aimer des aliments que je n’aimais pas avant. Il ne faut surtout pas voir tout ça comme un régime ou une privation mais comme un jeux et une aventure. Accordez vous ces moments, vous oublierez même vos soucis !
Un dernier conseil et pour moi il est vital. Aller voir votre artisan primeur, boucher, boulanger et bien-sûr pâtissier et chocolatier. S’il est sérieux il sera vous répondre (un bon moyen de le tester au passage). Oubliez les enseignes trompeuses, Pâte à pain, Marie blachere, Paul, Jeff de Bruges, Léonidas etc, qui ne sont que des industriels qui s’habillent en veste blanche. Demandez à ces artisans ce qu’il ont de bon, demandez leur des conseils pour faire plaisir à vos papilles. C’est ainsi que j’ai réellement découvert un monde de véritables plaisirs gustatifs et sains pour mon corps !
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